Bonjour

Je répond (avec plaisir) à la sollicitation de krabob sur ce sujet souvent abordé du "mystère des filles dans la demoscène"

Je ne peux pas parler au nom de toutes les filles, et je ne pense pas qu'il faille généraliser non plus. Je parlerai donc de ma propre expérience.
Je dirai que les filles ne sont pas particulièrement ostracisées, mais que leur statut reste quand même à part. En général on les apprécie (ou les déprécie) d'abord parce qu'elles sont des filles, avant de s'intéresser éventuellement à leurs talents. Je pense qu'il faut avoir un peu de force de caractère pour passer outre les quolibets ou les blagues graveleuses, il faut se frayer son chemin...
Mais quand j'y réfléchis je pense que la difficulté est la même pour toute personne qui cherche à intégrer la demoscene, surtout si elle n'a pas de groupe. Comme il a été souligné, c'est vrai que dans le cas contraire les filles restent souvent "la copine de" "la fille de tel groupe" pas nécessairement par sexisme mais parce qu'être une fille reste un peu singulier dans la demoscene.
Je n'ai jamais rencontré de scener qui me dise ouvertement "tu n'es qu'une fille" ou un truc comme ça. J'ai eu des remarques condescendantes, des difficultés à approcher certaines personnes, mais je ne suis pas du genre à me cacher derrière un prétendu sexisme, peut être était-ce seulement parce que je n'étais ni très connue, ni très douée, ni faisant partie d'un groupe renommé.
Au sein de kikiprods je n'ai jamais eu aucun souci de statut, ni moi ni Bunny n'avont jmais été désignées pour faire la popote

a vrai dire à cette époque on profitait de notre statut de fille pour se la jouer un peu "princesse", en party aussi.
Je ne pense pas avoir été prise au sérieu dans la demoscene, c'est ce qui a peu à peu ralentis mon travail, mais encore une fois je ne sais pas si c'est lié à mon sexe ou à mon manque de compétences.
J'ai souvent constaté plutôt l'inverse en observant d'autres filles dans la scene, qu'on accueillait en général gentiment, de qui on tolérait des erreurs (des scan dans les concours gfx par ex) parce qu'elles étaient des filles et que les sceners avaient envie de les encourager.
Maintenant il m'a été difficile d'aller plus loin que les "présentations", d'avoir un vrai rapport de collaboration avec des sceners autre que ceux de mon groupe ou même de rentrer dans des discussions sérieuses, je me suis généralement sentie tenue à l'écart, mais là encore ce n'est peut être qu'une question d'affinités.
Mais j'ai eu aussi de vrai liens d'amitié avec certains (que je retrouve ici d'ailleurs, heureuse coïncidence), et de vrais discussions "techniques" qui m'ont beaucoup apporté. La scene m'a beaucoup appris, et cette ambiance d'échanges me manque.
Les dernières années où j'ai été active j'ai trouvé que l'ambiance avait changé, que c'était devenu plus élitiste, plus "pro" aussi, plus difficile pour ceux qui ne sortaient pas du lot. J'ai plus ressenti aussi ce côté concurrence entre sceners, ça devenait plus sérieu, moins amical, moins agréable. Et cet esprit "scene awards" bof très peu pour moi...
Je me souviens aussi de cette histoire avec Clary que j'ai renconté de loin une fois sans avoir l'occasion de lui parler. J'ai sincèrement eu de la peine pour cette fille sans savoir vraiment ce qui lui est arrivé, mais c'était dans l'esprit de tous les sceners, presque une légende, même au sein de mon groupe bien qu'ils ne s'en soient jamais mêllé.
Je pense que ce genre de déconvenue aurait pu arriver à un mec, mais je pense qu'un mec l'aurait géré autrement qu'une fille.
Quel que soit le blindage qu'on se forge pour entrer dans ce "monde de brutes" une fille restera différemment sensible (pas forcément plus) d'un mec, et ne réagira pas aux même chose, et les mecs ignorent en général cette sensibilité particulière, cela peut créer des quiproquos qui vont aller loin, partant d'un simple "c'est pour rire" qui est vécu en face de façon dramatique.
Je me rappelle très vivement des discussions enflammées sur #demofr et de soirées à pleurer devant mon écran parce que je ne voulais pas céder dans une discussion animée où je me faisais copieusement insulter. Il m'a fallu plusieurs mois pour réaliser que de l'autre côté ce n'était pas vécu sérieusement, un truc de mec, un jeu de "bagarre", que je prenais, moi, en plein coeur. Nottament avec Asphyx, avec qui j'ai échangé des propos vraiment virulents voir odieux, et que j'ai rencontré ensuite à la synthésis je crois, nous avons immédiatement sympathisé.
Bref, voilà mon point de vue de "fille sceneuse"